LEON OUGLOFF – Aviateur – membre de l’escadrille Normandie-Niemen
Interview
Le Musée de l’Air et de l’Espace Aéroport de Paris-Le Bourget (autrefois situé aux Andelys) perpétue la mémoire de l’escadrille Normandie-Niemen et paris-moscou.com a pu rencontrer Madame Tamara Lvovna Ougloff, soeur du lieutenant Ougloff, qui a bien voulu retracer brièvement la carrière de son frère.
LEON OUGLOFF – Chevalier de la Légion d’Honneur, titulaire de la Croix de Guerre 4 Palmes et Etoile de Vermeil, de l’Ordre de Guerre de la Patrie, de la Médaille de la Victoire et de la Médaille de Koenigsberg, le lieutenant OUGLOFF reste au même titre que tous ses compagnons de l’escadrille Normandie-Niemen un symbole de courage et d’héroïsme.
PM. Pouvez-vous nous rappeler comment s’est crée ce prestigieux régiment de chasse « Normandie » .
Mme T.L.O. : En fait c’est en Syrie qu’il a été crée en 1942 dans le but de témoigner de la présence des Forces Aériennes de la France Libre (FAFL) aux côtés des Alliés. Ce régiment prit part aux batailles aux côtés des régiments soviétiques accomplissant des missions de couverture des troupes au sol, d’attaque de chars, escortant les avions d’assaut.
Chaque pilote effectuait ce genre de mission 3 à 4 fois par jour affrontant des tempêtes de neige, disposant de pistes souvent recouvertes d’eau et de neige fondue. Le régiment a pris le titre de « Normandie-Niemen » pour la part prise par lui dans l’une des plus dures batailles pour le franchissement de cette rivière. Avec cet engagement et la prise de Koenigsberg ce régiment compte 273 victoires officielles, 37 probables et 45 appareils ennemis endommagés.
PM. A partir de quel moment votre frère s’est-il passionné pour l’aviation ?
Mme T.L.O. Très tôt, il construisait des maquettes et à l’âge de 17 ans il a fait partie de l’aéroclub de Saint-Auban (club Bas-Alpin) où il vivait depuis sa jeune enfance et où il fit ses débuts en planeur. Un plaque commémorative a d’ailleurs été apposée le 30.10.92 à l’entrée de l’aéro-club. Une avenue porte désormais son nom.
PM. Il avait donc décidé de faire carrière dans l’aviation ?
Mme T.L.O. : Oui, c’était la voie pour voler autrement qu’en planeur : il est entré à l’école d’Avord et c’est ainsi qu’aspirant, il a été engagé volontaire en 1939.
En mai 1940 il faisait partie des F.A.F. et il a rejoint le centre d’instruction de chasse à Oran, pis en février 1943 il a été affecté au groupe de chasse II/5
PM. Est-il allé directement d’Algérie sur le front russe?
Mme T.L.O. : Il a d’abord été envoyé au Moyen-Orient où, avec ses camarades, il a attendu trois mois et demie et c’est le 25/09/1944 qu’il est arrivé à Moscou, rejoignant l’escadrille Normandie le 17.04.1944
PM. Sa famille a-t-elle été mise au courant de cette affectation ?
Mme T.L.O.: Nous n’avions aucune nouvelle depuis l’Algérie, seule une lettre du Caire nous parvint à la fin de la guerre en France.
PM. Dans cette lettre vous informait-il de sa destination ?
Mme T.L.O.: Non, bien sûr, il ne la connaissait pas. Nous avons supposé qu’il était allé combattre sur le front de l’Est, mais évidemment ce n’étaient que des suppositions et nous ne savions rien de précis en ce qui concerne son sort.
PM. Le lieutenant Ougloff parlait couramment le russe. Cela a dû l’aider lors de cette campagne. D’ailleurs comment faisaient ses compagnons qui ne parlaient pas le russe ?
Mme T.L.O.:Il y avait des pilotes français qui avaient quelques notions de russe et il y avait aussi un interprète, mais pour mon frère les choses étaient évidemment plus simples, les contacts plus aisés puisque directs et les problèmes se résolvaient tout naturellement (ne serait-ce que la possibilité de lire une carte de navigation où les noms étaient écrits en cyrillique, ou de parler avec les mécaniciens et mécaniciennes).
PM. Mécaniciennes ?
Mme T.L.O.:Au début il y avait des mécaniciens français affectés à l’entretien des YAKS mais ils souffraient beaucoup de la rudesse du climat (le thermomètre descendait jusqu’à -30°) et des conditions de vie que cela entraînait aussi a-t-on envoyé ensuite des mécaniciens et aussi des mécaniciennes soviétiques qui connaissaient admirablement bien les appareils et pouvaient faire une travail aussi excellent que leurs collègues français.
PM. Justement, quel type d’appareils utilisait l’escadrille?
Mme T.L.O.:C’étaient des chasseurs YAK soviétiques, un beau modèle dont les pilotes ont apprécié la finesse de maniabilité ; ils disposaient d’une autonomie d’une heure et quart environ. Construits en bois par conséquent assez vulnérables, ils portaient sur le fuselage l’étoile rouge tandis que l’avant – le nez de l’appareil – portait une rosace bleu-blanc-rouge.
D’ailleurs, ce n’est pas avec des Douglas que les pilotes français revinrent en France le 20.06.1945, mais avec des YAK qui leur avaient été « offerts » par Staline et le régiment a continué à voler sur ces avions quelque temps. L’Armée d l’air les a repris vers 1947-1948 pour les férailler car les pièces n’étaient pas disponibles en France (un d’entre eux fut gardé pour être exposé au Bourget) Le régiment a ensuite été équipé avec d’autres avions.
PM. Votre frère a donc participé aux dernières campagnes de l’escadrille Normandie-Niemen?
Mme T.L.O.:La dernière campagne s’est déroulée en Prusse Orientale et les derniers combats furent parmi les pus durs.
PM. Le lieutenant Ougloff s’est distingué par 6 victoires qui lui ont valu de brillantes décorations. A son retour votre frère a-t-il continué sa carrière dans l’aviation ?
Mme T.L.O.:Il a été moniteur à l’école de re-entraînemnt à Tours mais c’est en Mars 1947 qu’il a retrouvé le groupe de chasse Normandie-Niemen et que le destin a voulu qu’après avoir affronté de si grands dangers et pris de si grands risques durant la guerre, il périsse en service aérien commandé au cours d’une mission.