BORIS GILTBURG – pianiste
Interview
paris-moscou.com a d’abord rencontré Boris Giltburg au Touquet lors du Festival Piano Folies 2015
Boris Giltburg nous a confié :
B.G. Ma mère, bien que pianiste elle-même ne souhaitait pas que j’embrasse la même carrière et pourtant c’est justement ce que je voulais devenir, désir quel j’ai manifesté des l’âge de 5 ans et, en dépit des réticences de ma mère et en quelque sorte contre sa volonté, j’ai commencé à étudier cet instrument avec un professeur à domicile! »
La famille de Boris Giltburg a quitté Moscou pour émigrer en Israël lorsqu’il était petit enfant et il y a poursuivi ses études musicales. Boris Giltburg s’est produit dans plusieurs Festvals en France (A Colmar ou il a joué le 2 eme concerto de Rachmaninoff, aux Jacobins en 2006, ) et il a effectué une tournée en Allemagne avec Tugan Sohiev. Il a été lauréat du concours de la Reine Elizabeth en 2013 . Parmi les œuvres que Boris a interprété au concert au Touquet il y avait un arrangement de La Valse Triste de Sibelius, faite par le compositeur lui-même.
P- M. Vous dites que vous vous sentez proche de la musique russe, de sa littérature mais parmi les compositeurs français quel est celui que vous préférez. ?
B.G. C’ est Ravel dont je prépare d’ailleurs un enregistrement intégral des œuvres pour piano : c’est un compositeur doté d’une imagination riche et particulière et un d’un tempérament mélancolique. Rachmaninoff est plus dense, tandis que Ravel me fait penser à une aquarelle.
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P-M : Depuis votre participation aux « Pianofolies » vous avez sillonné le monde en donnant des concerts ?
B.G : Effectivement j’ai donné près de 90 concerts : j’ai joué en Amérique du Nord et du Sud, en Extrême Orient et en Nouvelle- Zélande ce qui a fait près de 90 concerts.
P-M : Maintenant vous vous préparez pour votre récital à la Salle Gaveau : que pensez-vous de cette salle ?
B-G : C’est une salle très agréable, je suis très heureux d’y jouer : tout en étant considérée comme une grande salle, eu égard à sa capacité, elle a une intimité qui provient du fait qu’il n’y a pas de fosse d’orchestre ce qui fait que le pianiste et le public sont proches. J’ai écouté la sonorité dans la salle lorsque je jouais et j’en ai été très satisfait.
P-M : Vous avez enregistré la répétition que vous venez de faire ?
B-G : C’est à dire qu’à partir de la scène, j’ai entendu les sonorités qui se répandent dans la salle : c’est un effet semblable à celui d’une chambre obscure dans laquelle vous pénétrez : au début vous ne voyez rien et peu à peu vos yeux s’habituent et des formes se dessinent : il y va de même pour les sonorités, les oreilles doivent d’habituer et déceler les sons dans la salle.
P-M : Votre jeu se modifie selon la salle ?
B-G : Oui, selon la salle et l’instrument sur lequel je joue.
P-M : Justement, pouvez-vous nous parler de ce nouveau piano : vous serez le premier pianiste à jouer sur ce piano, quelles en sont les particularités?
B-G : C’est un piano qui n’a pas les cordes croisées tout comme l’étaient les pianos au temps de Schubert, Beethoven : j’ai vu des Erard de la moitié du 19ème siècle qui étaient ainsi et peu à peu Steinway a mis au point pianos à cordes croisées. Les pianos à cordes croisées ont une sonorité homogène quel que soit le registre tandis que les pianos à cordes droites ont des registres bien marqués : ce n’est ni une qualité ni un défaut, c’est juste ainsi .
Ce piano a 3 mètres de long et il comporte non pas 88 mais 102 touches c’est à dire qu’il a 8 octaves et demi.
P-M : Mais y a-t-il des compositeurs qui ont utilisé un tel diapason ?
B-G : Non, à ce jour il n’y en guère, il y a juste le 6ème prélude de Scriabine où l’on on trouve un sol dièze mais sinon ce piano donnera donc la possibilité aux futurs compositeurs d’utiliser toute son ampleur, sans compter qu’il a beaucoup d’autres différences techniques inhabituelles.
P-M : C’est très intéressant de présenter un tel instrument lors d’un récital.
B-G : Oui, cela m’intéresse beaucoup et en même temps je ressens une grande responsabilité car c’est à moi qu’il appartient de le présenter sous son plus bel aspect sonore, de mettre en valeur toutes ses qualités et possibilités et de construire sa réputation en quelque sorte.
P-M : Votre programme est très varié et comporte une première audition en France de la transcription que vous avez faite du quatuor de Chostakovitch, comment vous est venue cette idée?
B-G : J’adore Chostakovitch mais si ses concertos sont magnifiques, je trouve qu’il n’en va pas de même pour les oeuvres purement pianistiques. Il y a une telle profondeur dans ses quatuors, il se découvre entièrement, sans masque ; je ne me souviens pas comment m’est venue cette idée : j’ai juste acheté la partition et essayé de la jouer au piano, il y avait des problèmes, bien entendu : par exemple dans la dernière partie, à un certain endroit, le violon a un long legato d’une seule note ; enfin, pendant l’hiver tout cela a mûri en moi et d’un coup en 12 jours de travail continu, tout s’est imposé à moi : bien sûr il y a ensuite un travail de polissage, de modification des mains droite et gauche etc. Le deuxième mouvement est martelant, il fait penser aux percussions, ce qui convient mieux à un piano et Chostakovitch a indiqué un triple « fortissimo » avec « sforzando ». Il y a des passages où l’on sent une force destructrice, Chostakovitch voulait qu’on ait l’impression que l’on vous piétine, que l’on vous enfonce dans la noirceur et ce nouveau piano est parfait pour rendre cette sensation.
Chostakovitch exprime des sentiments forts : la peur, l’espoir, le chagrin c’est quasiment physique. La valse a été aisée à transcrire. Les membres de ma famille étant des musiciens au jugement très strict et même sévère en ce qui concerne la musique, je leur ai soumis cette transcription et ils ont approuvé.
Après quoi, j’ai été très heureux d’avoir l’autorisation de la famille de Chostakovitch.
P-M : Nul doute que le public de Gaveau assistera à un concert exceptionnel! Vous avez de nombreux projets d’enregistrements ?
B-G : Un enregistrement de Rachmaninoff vient de sortir, il y aura Brahms, puis Beethoven et dans deux ans probablement, Ravel.
P-M : Voilà qui donnera au public l’envie de prolonger l’audition du concert en écoutant vos enregistrements…